Histoire de la Tunisie, jusqu’en 1959

L’histoire de la Tunisie est mouvementée !

Avant d’être arabe, la Tunisie a été successivement phénicienne, carthaginoise, province romaine chrétienne, siège de l’Église d’Afrique. Elle est ensuite passée sous domination vandale, puis byzantine pour être enfin conquise par les Arabes au 7e siècle.

L’histoire de la Tunisie remonte à plus de 4000 ans avant JC.

Ce sont alors les ancêtres des Berbères, des populations libyques venues du Sud, qui vivaient sur cette terre. Puis vers 1100 avant JC, les Phéniciens, un peuple sémite (du Proche-Orient ancien) originaire de Syrie et du Liban, s’installa dans le Nord-Est de la Tunisie, proche des côtes, et devint la première grande civilisation tunisienne.

En 814 avant JC, les Phéniciens fondèrent la ville de Carthage (du phénicien Kart-Hadasht = Nouvelle Ville) et devint le cœur du puissant Empire Carthaginois (appelé aussi empire punique) qui domina une grande partie de l’Afrique du Nord, le sud de la péninsule Ibérique, la Sardaigne et une partie de la Sicile.

L’Empire Carthaginois en Tunisie se limita au littoral de la Tunisie actuelle (le Nord du pays).

Dès 264 avant JC commencèrent ce que l’on appellera les « trois guerres puniques » : guerres romano-carthaginoises où s’opposèrent pendant plus d’un siècle les Carthaginois et les Romains (1e guerre, essentiellement maritime : 264-241 avant JC ; 2e guerre, terrestre : 218-201 avant JC).

C’est lors de la dernière de ces trois guerres (149-146 avant JC) que les Romains vainquirent complètement les Carthaginois : Carthage fut alors totalement rasée mais la civilisation carthaginoise ne disparut pas et fut en partie intégrée à la civilisation de l’Afrique romaine.

Du 2e siècle avant JC jusqu’au 5e siècle, la Tunisie (quasiment la totalité du pays d’aujourd’hui) est dans l’Afrique romaine, appelée Africa à l’époque.

Les Romains construisirent des cités et la langue latine fut la langue imposée dans toute l’Africa, donc dans toute l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen. Mais les Berbères, vivant dans les régions montagneuses de Tunisie, d’Algérie, du Maroc ne se soumirent pas à la domination romaine et préservèrent leur langue, l’Amazigh (qui es aujourd’hui l’une des deux langues au Maroc).

L’Empire romain fait face dès 430 aux invasions des Vandales (un peuple germanique qui traverse la Méditerranée) qui détruisent et pillent les cités. En 439, les Vandales fondent le Royaume de Carthage et la Tunisie fera partie du Royaume de Carthage pendant quasiment un siècle.

En 533, le pays est repris aux Vandales par les Byzantins de l’Empire Romain d’Orient (partie orientale de l’Empire Romain dont Constantinople est devenue capitale en 330). Les Vandales de Carthage furent déportés vers Byzance, mais environ 400 hommes revinrent et se fondirent dans la population berbère des montagnes toujours en résistance. Malgré le réseau de forteresses construit par l’empereur Justinien 1er (empereur de 527 à 565 de l’Empire Romain d’Orient), l’Afrique byzantine, quasiment intégralement christianisée, fait face aux assauts continuels de la résistance berbère, ce qui l’affaiblit de plus en plus et la rend vulnérable.

Les campagnes militaires des Arabes musulmans débutent en 649. À la 5e campagne (681-683) le Maghreb succombe à l’offensive arabe et la Tunisie est envahie par les Arabes musulmans qui la dirigèrent jusqu’au 16e siècle.

Histoire de la Tunisie : une femme Berbère dans les montagnes du Dahar
Histoire de la Tunisie : une femme Berbère dans les montagnes du Dahar

La conquête musulmane (donc l’islamisation du Maghreb) débute lors de la 5e campagne mais les Berbères des montagnes, comme toujours, repoussèrent l’assaillant.

L’arabisation gagne d’abord les tribus berbères nomades et particulièrement les Zénètes. Puis l’islamisation (ou conquête musulmane) s’accélère avec la prise de Carthage par les Arabes en 698 et la fondation de Tunis en tant que base navale des Arabes en Méditerranée occidentale.

Ce n’est qu’en 705, alors qu’il existe des divisions entre les différentes tribus berbères que la conquête musulmane progresse et réussit à les soumettre en 707. Pour autant, si les Berbères se convertirent effectivement à l’islam, ils conservèrent leurs dialectes ancestraux et la langue Amazighe.

Du 9e au 16e siècle, Ifriqiya (regroupant l’actuelle Tunisie, le Nord-Ouest de la Lybie et l’Est algérien) fut gouvernée par différentes dynasties : les Aghlabides (de 800 à 909), les Fatimides et les Zirides (909-1060), les Hilaliens (1050-1060), les Almohades (1159-1230) et enfin la dynastie berbère arabisée des Hafsides (1230-1534) qui fonda le Royaume de Tunis, qui donna son nom à l’actuelle Tunisie.

L’arabe devient la langue parlée dans toutes les villes, puis gagne les zones rurales. Les Berbères perdent peu à peu leur langue traditionnelle, hormis ceux réfugiés dans les montagnes de l’Atlas et dans le désert qui ne s’arabisèrent jamais (ce qui explique qu’aujourd’hui encore, les Berbères du Maroc, les Kabyles et les Touaregs d’Algérie parlent la langue amazighe).

Histoire de la Tunisie : le drapeau tunisien, très ressemblant au drapeau turc
Histoire de la Tunisie : le drapeau tunisien, très ressemblant au drapeau turc

En 1534 le corsaire turc Khayr al-Din Barberousse s’empare de Tunis, l’île de Djerba est occupée par des Turcs également. En 1535, l’armée de Charles Quint rétablit la dynastie des Hafsides mais sous tutelle de l’empereur du Saint Empire germanique et du roi d’Espagne. Ce n’est qu’en 1574 que les troupes de l’Empire ottoman sont victorieuses sur les Espagnols : la Tunisie est rattachée à l’Empire ottoman sous le nom de « Régence de Tunis » et c’est alors qu’apparaissent l’étoile et le croissant sur son drapeau (très ressemblant du drapeau turc).

L’autorité de l’Empire est désormais exercée par des administrateurs locaux appelés « deys de Tunis », puis simplement « beys ». C’est le bey Hussein ibn Ali (bey de 1705 à 1740) qui fonda la dynastie des Husseinites en 1710. Cette dynastie trôna jusqu’en 1957 (donc jusqu’à la fin du protectorat français).

Durant les 3 siècles que dura l’occupation ottomane (1574-1881), les Turcs ne s’assimilèrent jamais aux populations arabes et berbères : ils demeurèrent une communauté à part, vivant comme des étrangers en Afrique du Nord.

Au début du 19e, les marines européennes et américains mettent fin à la piraterie méditerranéenne. La Tunisie, à qui la piraterie fournissait la majorité de ses revenus, se retrouve très endettée d’autant la politique menée par les beys et les représailles contre les soulèvements des rebelles sont extrêmement coûteuses. La Tunisie s’endette auprès de la France, l’Italie et la Grande-Bretagne, trois pays ayant de fortes ambitions impériales en Afrique du Nord.

En 1830, la France a conquis l’Algérie. L’État tunisien est totalement ruiné et accepte d’être mis sous tutelle occidentale. Les puissances européennes scellent le sort de la Tunisie lors d’un congrès à Berlin en 1878 : la France a désormais toute liberté pour coloniser le pays. Sous prétexte d’une intervention contre les Berbères des hauts plateaux (actuelle région de Tozeur, non loin du désert tunisien), les troupes françaises entrent en Tunisie en 1878 par la frontière algérienne.

Le 12 mai 1881, le bey Mohammed el-Sadik, menacé d’exécution par les troupes françaises, signe le traité du Bardo, qui institue le protectorat français sur la Tunisie. Les affaires étrangères, la défense du territoire et la réforme de l’administration deviennent propriété française. En 1883, le 8 juin, la convention de la Marsa accorde à la France le droit d’intervenir dans la politique étrangère, la défense et les affaires internes de la Tunisie : le bey n’a donc plus aucun pouvoir et plus qu’un rôle protocolaire.

La France se met à représenter la Tunisie sur la scène internationale et rapidement abuse de ses droits pour en réalité exploiter le pays non pas comme un protectorat mais comme une colonie. Dès 1884, c’est le résident général français qui gouverne réellement le pays.

Une véritable « francisation » des Tunisiens est mise en place.

La justice devient expéditive et barbare. Tous les postes et emplois au sein de l’administration coloniale sont exclusivement réservés aux Français.

Les Tunisiens sont absolument méprisés, totalement exclus des affaires de leur pays et ils commencent naturellement à réclamer leur indépendance. 

Ali Bach Hamba et Hedi Sfar fondent en 1907 le « groupe des Jeunes Tunisiens » qui influence les élites musulmanes et réclame des réformes. De 1914 à 1921, le pays est placé en état d’urgence, la presse anticolonialiste interdite, et de nombreux dirigeants nationalistes arrêtés et exilés par le résident général français.

En 1920, le parti politique tunisien Destour est fondé par plusieurs groupes nationalistes : il prône de profondes réformes démocratiques.

A la même époque, dans les milieux intellectuels, la révolte gronde : écrivains et poètes se dressent contre l’oppresseur colonial, c’est le cas du grand poète tunisien Abou El Kacem Chebbi.

En 1932, Habib Bourguiba, jeune diplômé en droit membre du Destour, fonde L’Action tunisienne, un journal qui prône l’indépendance et la laïcisation de la société. La répression coloniale se fait de plus en plus violente et Habib Bourguiba, ainsi que d’autres militants, sont expulsés et assignés à résidence dans le Sud tunisien. En 1936, le Front Populaire accède au pouvoir en France et libère les chefs indépendantistes. Le 10 juin 1939, Habib Bourguiba et ses compagnons sont inculpés pour « conspiration contre la sûreté de l’État et incitation à la guerre civile ». Ils sont transférés vers le pénitencier de Téboursouk (Nord-Ouest de la Tunisie) puis au Fort Saint-Nicolas de Marseille le 26 mai 1940 où Habib Bourguiba partage sa cellule avec Hédi Nouira, un autre militant du Destour. 

Habib Bourguiba est transféré dans diverses prisons françaises puis il rentre en Tunisie le 7 avril 1943 et est remis en liberté par les Forces françaises libres le 23 juin 1943. Mais il est étroitement surveillé et décide de s’enfuir en Égypte : il traverse la frontière tuniso-libyenne déguisé en caravanier le 23 mars 1945, et arrive au Caire en avril 1945. Il rentre à Tunis le 8 septembre 1949.

A la fin de la seconde guerre mondiale, le 15 mai 1945, les Alliés transférèrent l’autorité de la Tunisie à la France libre. Les autorités françaises arrêtent des centaines de sympathisants nationalistes en Tunisie, destitue le bey Moncef Bey (jugé pro-allemand), et le remplace par Lamine Bey. Cette intervention française suscite alors un profond ressentiment au sein de la population tunisienne qui avait majoritairement soutenu la reconquête alliée contre l’occupant allemand.

La marche vers l’autonomie débute réellement en 1945, quand le général de Gaulle propose à la Tunisie le statut d’« État associé » au sein de l’Union française.

De retour au pays en 1949, Habib Bourguiba intensifie sa campagne pour l’indépendance de la Tunisie, et est de nouveau arrêté en 1952 avec des chefs nationalistes. Les indépendantistes prennent alors les armes contre le colonisateur français, tandis que des colons extrémistes lancent des attaques terroristes contre les nationalistes. La Tunisie est au bord de la guerre. Le 31 juillet 1952, Pierre Mendès France, président du Conseil français, promet l’« autonomie interne ». Habib Bourguiba juge cette déclaration acceptable et les émeutes cessent.

Le 3 juin 1955, le premier ministre tunisien Tahar ben Amar e tEdgar Faure, successeur de Pierre Mendès France, signent des conventions qui consacrent l’autonomie tunisienne. Le 17 septembre 1955, pour la première fois depuis 1881, un gouvernement composé exclusivement de Tunisiens est installé à Tunis.

Le 20 mars 1956, un nouvel accord fait de la Tunisie une monarchie constitutionnelle entièrement souveraine. Les premières élections législatives de l’histoire tunisienne, ont lieu le 25 mars 1956 et une victoire au parti Néo-Destour de Habib Bourguiba.

Le 8 avril 1956 Habib Bourguiba est président de la première Assemblée nationale tunisienne. Il est nommé premier ministre le 11 avril 1956.

L’Assemblée nationale tunisienne adopte une constitution transférant au peuple tunisien les pouvoirs législatifs. Le 12 novembre 1956, la Tunisie devenait membre des Nations unies.

Le 25 juillet 1957, l’Assemblée nationale tunisienne destitue le bey et proclame la République, dont Habib Bourguiba devient le premier président. Les biens du bey sont confisqués et permettent de régler la dette de l’État. De nombreux fonctionnaires français sont révoqués et le tiers des Français de Tunisie quitte le pays.

Les relations avec la France se détériorent avec la guerre d’Algérie. À la fin de 1957, des affrontements se produisent lorsque des troupes françaises franchissent la frontière tunisienne pour poursuivre des indépendantistes algériens.

Le 15 avril 1959, la France et la Tunisie signent un accord prolongeant l’assistance technique française et, en 1960, la Tunisie accepte de rembourser une partie des terres confisquées aux ressortissants français.

La nouvelle Constitution tunisienne est promulguée le 1er juin 1959. En novembre, Habib Bourguiba est réélu président sans rencontrer la moindre opposition.

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