Les Touaregs, un peuple berbère

Les Touaregs représentent un groupe ethnique nomade de 1,5 à 3 millions de personnes (le peuple touareg n’a jamais été précisément recensé), répartis sur cinq pays d’Afrique : Algérie, Libye, Niger, Mali et Burkina Faso. Un petit nombre de Touaregs originaires du Sud-Est du Niger vit au Tchad et au Soudan (ils ont fui leur pays lors de la colonisation française), de même qu’en Mauritanie et au Nigeria.

Les Touaregs sont des Berbères (des Amazighs), originellement nomades, comme le sont nos guides en randonnées au Sahara algérien.

Le territoire berbère en Afrique, dont le territoire touareg qui se répartit sur 5 pays
Le territoire berbère en Afrique, dont le territoire touareg qui se répartit sur 5 pays

Les Touaregs parlent la langue berbère, l’Amazigh, qui est également parlée au Maroc où elle est reconnue officiellement comme l’une des langues au Maroc. L’Amazigh a évolué au fil du temps et des régions, et pour les peuples Touaregs du Sahara, on parle plus précisément de langue touarègue : le Tamasheq, dont il existe plusieurs variantes : le Tamahaq, le Tamasheq et le Tamajaq. C’est au Père Charles de Foucauld que l’on doit le dictionnaire touareg-français, une référence unique et précieuse dans la connaissance de cette langue.

Les Touaregs utilisent, comme toutes les ethnies berbères, l’écriture Tifinagh, l’une des premières écritures de l’Humanité.

Saddo, un Touareg du Niger

Le mot « Touareg » est un mot d’origine arabe. Les Touaregs se nomment eux-mêmes les Kel Tamasheq, c’est-à-dire ceux qui parlent Tamasheq, ce qui montre à quel point l’identité du peuple touareg est en grande partie liée à la langue. La culture touarègue prend donc sa source dans la culture berbère (culture amazighe) et a développé ses propres spécificités.

Les Touaregs sont musulmans (ce qui n’exclut pas des pratiques spécifiquement touarègues), et monogames. Les femmes jouent un grand rôle dans la société touarègue et la culture touarègue. D’ailleurs les ancêtres mythiques et légendaires des Touaregs sont majoritairement des femmes.

Les femmes touarègues ne portent pas de voile, et les hommes Touaregs sont toujours coiffés d’un chèche, très long (au moins cinq à six mètres !), appelé tagelmoust ou Alesho quand il est teinté à l’indigo.

La société touarègue est une société matriarcale où la filiation s’établit par les femmes : l’enfant appartient à la tribu et à la classe sociale de sa mère. La tente est le bien propre de la femme, qu’elle garde en cas de divorce ou de veuvage. La mariée reçoit des biens de sa mère et une dot de la famille de son mari, dont elle dispose librement.

En tant que gardienne des traditions et des savoirs de la culture touarègue, la femme est très respectée. Elle participe à toutes les décisions de la famille et de la tribu, elle monte la tente et éduque les enfants. Elle leur apprend l’écriture Tifinagh et elle leur enseigne le takarakit (ou ashak), le code moral qui définit les règles sociales et valeurs fondamentales de la communauté : les usages de la politesse et de la retenue, de la pudeur vis-à-vis des membres du groupe ainsi qu’une extrême attention portée aux autres, respect des aînés, solidarité, courage, protection de l’enfant et de la femme.

Les randonnées au Sahara algérien sont l’occasion d’aller à la rencontre des Touaregs algériens, de leur culture et de leurs traditions.

Toutes les langues berbères, dont le Tamasheq, la langue des Touaregs
Toutes les langues berbères, dont le Tamasheq, la langue des Touaregs

Les Touaregs se sont déplacés de l’Afrique du Nord vers le désert du Sahara, à l’Antiquité, avec leurs chameaux et l’ensemble de leur bétail.

La reine fondatrice touarègue, Tin Hinan, qui a vécu entre le 4e et le 5e siècle, est l’ancêtre originelle des Touaregs Kel Ahaggar (Touaregs du Hoggar dans le Sud algérien). Dans la tradition orale touarègue, il est dit que Tin Hinan était une femme charismatique et d’une beauté irrésistible.

Le tombeau de Tin Hinan est situé à Abalessa dans la zone saharienne des monts Hoggar, à 80 km à l’Ouest de Tamanrasset, sur une colline arrondie. Des vestiges d’inscriptions en écriture Tifinagh sont présents sur les pierres des murs du sépulcre.

La tombe de Tin Hinan, ouverte en 1925, a dévoilé le squelette d’une femme, allongée sur le dos, la tête tournée vers l’Est, enterrée au 4e siècle sur une litière en bois. Sur son bras droit, elle portait sept bracelets en argent, et sur son bras gauche, sept bracelets en or. D’autres bijoux d’or et de perles avaient été placés à côte du corps, ainsi que de nombreux objets funéraires tels une statue de Vénus, des pointes de flèches, une feuille d’or qui portait l’empreinte d’une pièce de monnaie romaine de Constantin 1er émise entre 308 et 324 après JC.

Les Touaregs nomades créèrent des royaumes (on peut en cela les comparer aux tribus mongoles emmenées par Gengis Khan), nommés Tamanokla en langue touarègue .

Au début du 11e siècle, ils fondèrent deux royaumes majeurs du commerce transsaharien : le royaume de Tadmakkat dans l’Adrar des Ifoghas (Nord-Est de l’actuel Mali et Sud de l’Algérie) et le royaume de Tigidda dans l’Aïr (actuel Niger) puis au 15e siècle, les Touaregs Isandalan formèrent le sultanat de l’Aïr regroupant tous les Touaregs de l’Aïr afin de mettre fin aux guerres tribales et contrôler le commerce caravanier transsaharien.

Tin Hinan, légendaire reine touarègue : Huile sur toile de Hocine Ziani, exposée au musée national du Bardo à Alger
Tin Hinan, légendaire reine touarègue : Huile sur toile de Hocine Ziani, exposée au musée national du Bardo à Alger

Le territoire Touareg dans son intégralité s’appelle Tinariwen, ce qui signifie « les déserts ».

La société touarègue traditionnelle est très hiérarchisée : on distingue les hommes libres et esclaves (Irawellan, capturés lors des razzias envers d’autres tribus touarègues ou Iklan, capturés au sein de populations africaines non touarègues), les guerriers nobles (Imajeghen), qui forment le sommet de la hiérarchie et non-guerriers nobles (Ineslemen : des tribus nobles maraboutiques, les religieux donc).

Et enfin il y a les Inhadhen, les forgerons, artisans au sens large du terme, reconnus pour leur savoir-faire technique, qui se transmet de génération en génération et qui est indispensable au fonctionnement de la société touarègue. Les autres classes sociales refusent tout lien de mariage avec les Inhadhen. Les Inhadhen forment un groupe social à part. En plus d’être artisans et éleveurs (tout Touareg est éleveur), ils ont un rôle d’intendant au sein des campements.

Aujourd’hui, la société touarègue reste hiérarchisée mais pas au sens occidental du terme : chez les Touaregs, les classes sociales sont déterminées par la fonction sociale au quotidien, et les Touaregs de toutes classes sociales vivent ensemble, se fréquentent, se mêlent et, c’est suffisamment unique pour le mentionner, il existe une véritable relation entre les différentes classes basée sur un système de plaisanteries tout à fait codé !

Il existe plus de cinquante tribus touarègues (en Tamasheq, tribu se dit tawshit), elles-mêmes regroupées au sein de grandes confédérations touarègues.

Touaregs Kel Aïr
Les Touaregs Kel Aïr

Ce sont les Imajeghen (guerriers nobles) qui choisissent un chef : une Tamenokalt (lorsque c’est une femme) ou un Amenôkal (lorsque c’est un homme) pour la confédération, et un Amghar pour la tribu.

La Tamenokalt ou l’Amenôkal sont chef de guerre et porte-parole de leur confédération.

Ils sont choisis selon des règles d’hérédités utérines (le pouvoir est légué selon une lignée matriarcale) et élus par les anciens lors d’une assemblée présidée par les Amghar où sont conviés les représentants des castes nobles. Ils sont le détenteur du « t’bal », le tambour du pouvoir, un symbole royal, qui sera déposé dans leur tente dès leur élection. Ils peuvent être révoqués à tout moment.

Moussa ag Amastan, Touareg du Hoggar, est l’Amenôkal, chef saharien d’Algérie, le plus connu en France et de par le monde. En 1903, il parcourut tout l’Ahaggar pour rallier à sa confédération la grande majorité des tribus du Hoggar. En 1904, la France l’investit du titre d’Amenôkal et c’est en 1905 qu’il rencontre le Père Charles de Foucauld qui était sur le point de s’installer à Tamanrasset. Une grande et sincère amitié lia les deux hommes jusqu’au décès de Charles de Foucauld en 1916.

À l’été 1910, Moussa ag Amastan fait un voyage en France, que les autorités françaises appelèrent la « Mission Touareg ». Il visita Paris (une photo légendaire le montre lors de sa visite de la Tour Eiffel !) et passa quelques jours en Bourgogne chez la sœur de Charles de Foucauld. Il décéda en 1920, 4 ans après son ami Charles.

Quelques photos de cet Amenôkal Touareg Kel Ahaggar sont visibles sur le site du Musée saharien situé près de Montpellier : vous pouvez vous rendre au Musée saharien (1 bis, avenue de Castelnau – 34920 Le Crès – France) ou cliquez ici. Ce site fourmille d’articles très intéressants et de photos d’archive.

Les sept confédérations principales (Ettebel en Tamasheq) correspondent au territoire qu’elles administraient avant la colonisation : les Kel Ajjers sont nos hôtes et nos guides en randonnée chamelière au Sahara algérien dans la région de Djanet), les Kel Ahaggar (dans la région du Hoggar : nous les rencontrons dans la région de Tamanrasset dans le Sud algérien), les Kel Aïr (au nord et autour d’Agadez dans l’actuel Niger), les Kel Tagaraygarayt (ou Kel Azawagh, « les gens du milieu », dans l’Azaouak, dans le Nord-Est nigérien), les Kel Tademekkat (région du Nord du Mali) et les Kel Adrar (ou Kel Adagh, dans l’actuel Mali, région de Kidal) et les Kel Oudalan (dans l’actuel Burkina-Faso).

Mais il existe plusieurs autres confédérations, notamment au Mali : les Kel Ataram (région de Gao) et les Kel Antessar (ou Kel Ansar, région de Tombouctou).

Touareg Kel Ahaggar portant un tagelmoust teinté à l'indigo
Touareg Kel Ahaggar portant un tagelmoust teinté à l’indigo

Avant la colonisation française ce sont ces confédérations qui régissaient l’espace politique, social et culturel du peuple touareg. La création de frontières et de Nations suite à la colonisation de l’armée française a complètement perturbé l’équilibre de vie des Touaregs qui était basé sur le nomadisme.

En effet, les Touaregs circulaient librement dans tout le désert du Sahara et au Sahel. Ce mode de vie traditionnel caravanier et pastoral, où les populations nomades se déplaçaient avec leurs troupeaux de chameaux et de chèvres au gré des pâturages disponibles pour le bétail, s’est vu brusquement contraint par les frontières imposées par la logique coloniale.

C’est en 1958 que les Touaregs Kel Ajjers et Kel Ahaggar ont été rattachés à l’Algérie, par le général de Gaulle, qui venait d’être élu à la tête de la nouvelle Ve République française. Et ils ne l’ont jamais véritablement accepté. Avant cela, ils étaient sous l’autorité de l’Empire chérifien (royaume du Maroc) : ils partageaient avec les Berbères du Maroc la même langue, le même alphabet, et une culture commune. Le rattachement à l’Algérie n’a jamais fait sens pour eux.

Et en réalité l’ensemble des tribus et des confédérations touarègues d’Algérie, de Libye, du Niger, du Mali et du Burkina Faso forment un seul et même peuple : ils sont frères et les Touaregs n’ont jamais accepté le découpage territorial des frontières coloniales réalisé sans leur consentement et totalement contre nature.

Par ailleurs, les grandes sécheresses successives (dans les années 1970-1975 puis 1980-1984, 1990) et la volonté des États de les sédentariser, ont fondamentalement modifié le mode de vie des Touaregs : les nomades, qu’ils soient éleveurs ou commerçants, sont progressivement devenus sédentaires.

C’est ainsi que beaucoup de Touaregs vivent aujourd’hui aux alentours des grands villes sahariennes ou de la bande sahélienne, comme à Djanet et Tamanrasset dans le Sahara algérien, Niamey et Agadez au Niger, Ouagadougou au Burkina Faso.

Pour la petite histoire : on entend encore parler avec exotisme d’« hommes bleus » à propos des Touaregs…

À vrai dire : parfois, le tagelmoust (chèche) qu’ils portent est teint à l’indigo qui déteint sur leur peau, lui donnant un aspect « bleu » !

Touareg Kel Ajjer (du Tassili N'Ajjer, dans la région de Djanet)
Touareg Kel Ajjer (du Tassili N’Ajjer, dans la région de Djanet)

En randonnée chamelière au Sahara algérien nous sommes accompagnés par des Touaregs algériens des régions de Djanet ou Tamanrasset. C’est l’occasion de découvrir la culture touarègue, en particulier l’artisanat touareg, les vêtements portés par les Touaregs, le rituel de la cérémonie des trois thés

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