La langue principale en Tunisie : l’arabe tunisien (derja)

Les dialectes arabes maghrébins sont les langues parlées dans les différents pays du Maghreb.

Les dialectes arabes maghrébins les plus connus sont ceux d’Afrique du Nord, à savoir de la Tunisie : l’arabe tunisien (appelé derja ou darija) ; du Maroc : le dialecte marocain, nommé arabe marocain, étant l’une des langues au Maroc ; de l’Algérie, l’arabe algérien, et de la Libye. Les moins connus sont le maltais et le hassanya (dialecte de Mauritanie).

A part le maltais, les dialectes arabes maghrébins sont des langues de tradition orale qui ne s’écrivent pas : il n’existe pas d’orthographe codifiée de ces langues.

C’est l’arabe classique, qui avec l’arabe standard moderne constitue ce que l’on appelle l’arabe littéraire, descendant direct de l’arabe coranique, qui s’écrit et se parle. Il est utilisé aujourd’hui dans tout le monde arabe à l’écrit comme à l’oral.

A noter que dans les pays arabes, on distingue l’arabe classique ancien, c’est à dire la langue de la poésie préislamique, de l’arabe classique post-coranique, à savoir la langue de la civilisation arabo-musulmane.

Le maltais quant à lui s’écrit en écriture latine.

L’arabe tunisien, ou dialecte tunisien, est aujourd’hui la langue que parlent 93,3 % des Tunisiens. 6,1% d’entre eux parlent l’arabe classique ; 0,4% parlent un dialecte berbère et 0,2% le français. Ce sont les chiffres officiels des autorités tunisiennes.

L’arabe est la langue officielle en Tunisie depuis un évènement majeur de l’histoire de la Tunisie : son indépendance en 1956. Mais même avant 1956, l’arabe était la langue commune aux populations arabes, juives et berbères.

Arabe tunisien : une langue parlée, mais c'est l'arabe classique qui s'écrit
Arabe tunisien : une langue parlée, mais c’est l’arabe classique qui s’écrit

Des dialectes berbères sont également parlés en Tunisie (rappelons que ce sont les ancêtres des Berbères qui les premiers ont peuplé l’actuelle Tunisie). Depuis la révolution en 2011, des voix berbères s’élèvent en Tunisie et des associations berbérophones se sont constituées : elles militent pour la reconnaissance juridique de la langue et des droits culturels des Berbères et la préservation du patrimoine berbère.

Et en réalité beaucoup de Tunisiens parlent français, plus ou moins bien, mais quand même : beaucoup de Tunisiens parlent vraiment bien français, malgré la statistique ! Et ce particulièrement dans le milieu universitaire, le milieu des affaires et le milieu touristique.

L’arabe tunisien, appelé derja (ou darija – en arabe الدارِجَة) a subi, du fait de l’histoire de la Tunisie, des influences de différentes langues : le punique, l’amazighe, l’arabe, le français, l’italien, l’espagnol et le turc.

Et la derja n’est en réalité pas uniforme : il existe plusieurs variétés dialectales au sein même de l’arabe tunisien, qui sont des dialectes géographiques. Les six principaux sont les dialectes tunisois (Tunis), bizertin (Bizerte), sahélien (Sousse, Monastir et Mahdia), sfaxien (Sfax), du Sud-Est (Gabès, Médenine et Tataouine) et du Sud-Ouest (Gafsa, Tozeur et Nefta).

Mais tous les Tunisiens se comprennent entre eux, d’Est en Ouest de la Tunisie, et du Nord au Sud !

Il faut bien comprendre que l’arabe classique (ou arabe littéral), qui est la langue officielle de la Tunisie, n’est pas la langue que parle le peuple tunisien. L’arabe classique est une langue que les enfants apprennent dès l’école primaire et qui est utilisée pour communiquer dans tous les pays du monde arabe. En fait, l’arabe classique est une langue qui se lit plus qu’elle ne se parle.

En Tunisie, l’écrit relève quasi exclusivement de l’arabe classique. L’oral est réservé à la derja, l’arabe tunisien. Ainsi, comme la plupart des peuples arabophones, les Tunisiens écrivent une langue qu’ils ne parlent pas (l’arabe classique) et parlent une langue qui ne s’écrit pas (l’arabe dialectal tunisien)… mais ce n’est plus tout à fait aussi vrai !

Arabe tunisien : la traduction en derja du Petit Prince de Saint-Exupéry
Arabe tunisien : la traduction en derja du Petit Prince

En effet, depuis quelques décennies, une littérature en derja se développe.

À l’indépendance de la Tunisie en 1956, l’instauration de l’arabe classique a permis de marquer l’appartenance de la Tunisie au monde arabe. Par ailleurs langue sacrée du Coran, l’arabe classique s’est donc tout naturellement imposé en Tunisie comme langue officielle, bien que les Tunisiens parlent la derja, le dialecte tunisien (ou arabe tunisien).

Le premier écrivain à écrire en derja fut le romancier tunisien Béchir Khraïef, qui dès les années soixante se démarqua par l’utilisation du dialecte tunisien à l’écrit. À l’époque il s’attira les foudres des fervents défenseurs de la littérature classique.

Le 13 janvier 2011, veille de sa chute, le dictateur Zine el-Abidine ben Ali s’adressait au peuple tunisien pour la première fois en vingt-trois ans de règne en derja (dialecte arabe tunisien), et non en arabe classique. « Je m’adresse à vous dans la langue de tous les Tunisiens et Tunisiennes (…) Je vous ai compris. ».

Depuis, l’utilisation de la derja dans la littérature tunisienne a connu une bascule et un nombre croissant d’auteurs s’en est emparé pour témoigner de la vérité du quotidien eu Tunisie, aborder des sujets tabous ou délicats, relater des histoires réelles, des faits de société…

En 2014, Ramzi Cherif a fondé l’association Derja, dont les principaux objectifs sont de « (…) créer une bibliothèque d’ouvrages en tunisien, élaborer un manuel de la langue tunisienne et codifier le parler tunisien, de contribuer à l’inventaire, la sauvegarde, la diffusion, la valorisation et la promotion de l’ensemble du patrimoine linguistique Tunisien et mettre tout en œuvre pour la rendre écrite ».

Il espère qu’un jour, la derja sera reconnue comme langue officielle en Tunisie.

Il n’existe pas encore de statistique officielle sur la part des livres en derja, mais la progression dans les librairies engagées dans la promotion des livres en derja est de 10 à 15 % par an depuis 2020.

Hager ben Ammar est une femme professeure d’arabe tunisien, auteure et conteuse, qui transcrit et publie des contes du patrimoine oral tunisien.

Hedi Balegh, professeur universitaire de langue française, l’un des plus fervents partisans de l’arabe tunisien, a écrit plusieurs recueils de proverbes tunisiens, et c’est lui qui, en 1997, a traduit en derja Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

L’une des autrices la plus lue en Tunisie et qui écrit en derja est Faten Fazaa, première femme a avoir écrit un roman en arabe tunisien. Elle aborde particulièrement les problématiques des jeunes femmes tunisiennes aujourd’hui.

« Je ne peux pas m’exprimer dans une autre langue. Je ne peux pas écrire en arabe littéraire, ni en français, ni en anglais, ni en allemand. Donc, voilà, Pour moi, c’est ma langue maternelle, je n’y ai même pas pensé. Tout d’abord, il y a des gens en Tunisie qui sont incapables de lire un livre en français, ou en arabe littéraire, ou qui n’ont pas l’envie aussi de lire en arabe littéraire. Donc, le fait d’écrire en derja a fait que les gens qui ne lisaient pas avant ont commencé à lire. ».

En avril 2014, le journal Libération publiait un article intitulé « Le tunisien, l’écrit de la rue », super intéressant, à retrouver sur le site https://www.liberation.fr/planete/2014/04/14/le-tunisien-l-ecrit-de-la-rue_997402


L'arabe tunisien, l'arabe classique, le français...
Arabe tunisien (derja), Arabe classique, et français…

Qu’en est-il des dialectes berbères ?

En Tunisie, encore plus qu’ailleurs, il est difficile de connaître le nombre exact de Berbères.

Il n’existe pas de statistique officielle à ce jour, et ils sont par ailleurs dispersés géographiquement dans le pays. Majoritairement ils vivent dans le Sud tunisien, en particulier à Djerba, Matmata, Tataouine, Chenini et Douiret, Médenine, Kebili et Tozeur. Et des petits groupes berbères sont aussi présents au Nord de la Tunisie sur la côte méditerranéenne, et à l’Ouest, le long de la frontière avec l’Algérie et à Tamagourt et Senned (Est de Gafsa).

Il existe aussi une petite ethnie touarègue de langue tamazight dans le Sud tunisien, particulièrement à Tozeur.

D’après les autorités gouvernementales, les Berbères représenteraient 1% de la population totale mais il semblerait que ce soit beaucoup plus. Le Congrès Mondial Amazigh estime quant à lui que 10% de la population tunisienne est berbère.

Ceci dit, l’ethnie berbère est plus importante que la communauté berbérophone qui elle, est estimée à 7,8% de la population tunisienne d’après le CMA (contre 0,4% avancé par les autorités tunisiennes).

Les berbérophones parlent en réalité plusieurs dialectes : le Chaouia (commun au Nord-Est de l’Algérie), le Nafusi (commun à l’Ouest libyen), le Sened (ou Zénète oriental), le Ghadamès…

Sachant que ce sont les ancêtres des Berbères qui ont peuplé en premier la Tunisie, il est fort probable qu’un très grand pourcentage de Tunisiens soient des descendants de Berbères arabisés et culturellement assimilés : 88% de la population tunisienne d’aujourd’hui serait donc d’origine berbère…

À la fin du 7e siècle, la Tunisie fut envahie par les Arabes musulmans et l’arabisation commença d’abord par les populations urbaines. On entend par arabisation le fait que l’arabe classique (arabe littéraire) ait été introduit comme langue officielle, mais il ne s’agit donc pas de la langue parlée réellement vu que les populations arabophones parlaient toutes des dialectes différents (arabe dialectal tunisien, arabe dialectal marocain, arabe dialectal algérien, etc).

Les Berbères occupaient les zones de montagne et les zones agricoles : la politique d’arabisation se fit plus tardivement dans ces zones. Pour autant, et particulièrement en Tunisie, malgré leur résistance, les berbérophones furent influencés par la langue arabe de leurs conquérants et la langue amazighe, la langue berbère, emprunta beaucoup à la langue arabe classique. 

Depuis des décennies, en Tunisie, les identités berbères sont en régression constante et sont même menacées d’extinction. 

La langue berbère ne bénéficie d’aucune reconnaissance ni d’aucun droit linguistique (contrairement au Maroc où l’Amazighe, la langue berbère, est reconnue officiellement comme l’une des deux langues au Maroc). Elle n’est pas lue, et pas non plus écrite, et l’État tunisien refuse d’introduire la langue berbère et l’étude de la culture berbère dans l’enseignement scolaire en Tunisie.

L’Ami du Vent vous recommande l’article de Soha Ben Slama « Les Amazighs de Tunisie » : https://www.meer.com/fr/70756-les-amazighs-de-tunisie

Homme d'origine berbère dans le Sud Tunisien
Homme d’origine berbère dans le Sud Tunisien

Il y a aussi en Tunisie de fervents défenseurs de la langue arabe classique, comme par exemple M’hamed Hassine Fantar, historien, archéologue et universitaire tunisien spécialiste de la civilisation punique et des langues ouest-sémitiques. Il écrivait ceci il y a quelques années :

« Avec la destruction de la Carthage romaine au crépuscule du septième siècle de l’ère chrétienne, les conquérants arabes introduisirent en Ifriqiya la langue du Coran et de la poésie préislamique qui, avec le temps, finit par s’imposer pour des raisons d’Etat, de religion, d’efficacité et de créativité. Cette nouvelle langue s’est trouvée en Ifriquiya bien à l’aise, profitant d’un terroir dûment préparé et, pour ainsi dire, fécondé par Carthage, la prestigieuse cité d’Elyssa, dont la langue appartient à la grande famille sémitique, au même titre que la langue arabe elle-même. Sans avoir la même grammaire, les deux langues partagent un riche vocabulaire et d’innombrables structures. Certaines sont attestées dans des écrits qui remonteraient au troisième millénaire avant J.C.

Aujourd’hui, personne, en Tunisie ne pourrait contester à la langue arabe sa prééminence, ni sa place de langue nationale et identitaire. Voilà ce qui ne souffre aucune contestation. Elle est en outre scellée par la Constitution.

Notre devoir est donc de la cultiver sans omettre de la moderniser, de l’enrichir et de la rendre plus efficace en puisant d’abord et avant tout dans notre héritage linguistique laissé en friche et en faisant fructifier tous les apports des langues qui, engendrées par la terre devenue arabe, sont, aujourd’hui, laissées pour compte dans tous les pays arabes, où l’amnésie continue de ravager et d’appauvrir jusqu’à la désertification, voire la stérilisation.

Aujourd’hui, La langue arabe vit parmi nous atrophiée. Notre lexique s’est dangereusement rétréci. Nous ne sommes plus en mesure de nommer les choses par leurs noms arabes. Nous ne savons plus décrire nos richesses matérielles et immatérielles dans notre langue. La terre, la faune, la flore, les cieux, les mers nous échappent. Au lieu d’interpeller notre patrimoine, les plus fortunés ont souvent recours à l’emprunt sans d’ailleurs être sûrs de maîtriser les glanes faites chez leurs créanciers.

Pour être nous, nous nous devons de connaître toutes nos langues libyque, punique, latine et arabe sans hésiter de renforcer et d’affûter ce que nous avons pu prendre à la colonisation française et d’acquérir d’autres langues dont l’efficacité est certaine. Cela étant, faut-il laisser aux autres nos riches littératures dont les auteurs comptent parmi les plus grands bâtisseurs de la culture universelle ? Faut-il attendre que d’autres s’en occupent et s’en servent à leur manière et au profit de leur propre cause ? Certes, non !

Nous nous devons de former des élites capables d’accomplir cette noble tâche ? Nos Universités, Instituts et centres de recherche doivent s’en charger dans le cadre d’un projet national adopté, soutenu et suivi par l’Etat. C’est aussi la tâche de notre Académie, au-delà des limites définies par les textes en vigueur qui en font une sorte de comité culturel haut de gamme. Il est pour le moins étrange que l’Académie de Carthage reste indifférente aux problèmes de la langue arabe pourtant reconnue langue nationale par la Constitution. »

Un temps de randonnée chamelière dans le désert tunisien est un temps de rencontres et de partages avec nos hôtes tunisiens. Pendant les temps de marche ou en préparant les repas avec les chameliers… quelques mots d’arabe tunisien échangés et hop : fou-rires ou grande conversation sont au rendez-vous ! Nous n’allons pas vous donner un cours d’arabe, mais nous allons tenter de vous apprendre quelques mots afin de, un tout petit peu, « parler arabe » avec les chameliers (l’apprentissage de la langue arabe, que ce soit l’arabe classique ou l’arabe tunisien est extrêmement complexe pour nous) !

Pas de problème : Mouch mouchkol
Oui : Nam
Non : Lé
Bonjour : Sba al rir
Bonsoir : Tasba al rir
Salut à toi : Salam Aleikoum
Ça va ? : Labès ?
Au revoir : Beslama
Bonne nuit : Leïla saïda
Merci : Choukran
Pas de quoi : Afouan
Bon appétit : Shaya tayebé
Mange : Cool
Donne-moi : Atimi
Tais-toi ! : Oskout !

Dans le désert tunisien, le pain, Khobz en arabe tunisien, est cuit dans le sable

En randonnées dans le désert tunisien, les chameliers nous interpellent souvent et que c’est joyeux de comprendre quelques mots d’arabe tunisien… d’autant que certains ne nous sont pas si étrangers que ça : des mots de notre vocabulaire courant viennent de l’arabe ! Vous verrez que certains mots que nous utilisons dans le langage courant français viennent en réalité de l’arabe…

Allez allez : Yala yala
On y va : Nemchou
Regarde : Chouf
Ecoute : Asma
Pareil : Kifkif
Lumière : Nour
Doigts : Deglet
Désert : Sahara
Mont : Gour
Fleur : Warda
Feu : Afia
Café : Kawa
Thé : Tchaï
Eau : Mé
Olives : Zitoune
Pain : Khobz
Tente : Guitoun
Médecin : Tbib (se prononce toubib)

Découvrir en randonnées dans le désert tunisien, un peuple, sa langue ou au moins quelques mots d’arabe tunisien (!!!), sa gastronomie, et aussi la culture tunisienne, les rythmes du Sahara, la flore et végétation du Sahara

Et puis quelques mots arabes que vous entendrez certainement dans le Sud tunisien, mais pas que, car certaines mots sont des mots d’arabe maghrébin, donc également utilisés dans des pays où l’on parle des variantes dialectales de l’arabe maghrébin comme au Maroc, en Algérie ou en Libye.

Un souk à Djerba

Aïn : source
Bab : porte
Bir : puits
Borj : fort (bastion militaire)
Casbah : citadelle
Chott : lac salé asséché
Dar : maison
Dahar : dos, crête
Djébel ou Djel ou Djbil : montagne
Djérid : palmes
Erg : dunes
Fondouk : caravansérail, entrepôt de marchandises
Ghorfa : grenier à grains voûté
Ibn : fils
Kantara : pont
Kehf : grotte
Kermous : figue
Kleb : chien
Ksar : village fortifié (se dit ksour au pluriel)
Marsa : port
Médersa : école religieuse
Médina : vieille ville entourée de fortifications
Mihrab : la niche qui, dans la mosquée, indique la direction de La Mecque
Minaret : la tour de la mosquée
Minbar : chaire pour le prêche
Muezzin : religieux chargé de l’appel à la prière
Oued : fleuve
Ribat : couvent fortifié
Sebkha : lac salé
Sirocco : vent du sud soufflant du désert
Souk : marché, commerces de la médina
Tajine : ragoût

Minaret de la mosquée des 7 Dormants à Chenini

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